Firefly / Luciole en français La porte se referme sur la lumière permanente du couloir et l’œil des caméras. Ensuite le modèle se déshabille. La surveillance s’arrête, où vacille la lueur des diodes. Les mégalopoles, sans sommeil ni insomnie, distribuent mécaniquement les billets, les boissons, la compagnie. A n’importe quelle heure, quand la nuit ne s’appartient plus, une carte magnétique permet de se retirer du jour blanc ininterrompu. Une chambre d’hôtel après une autre.
Les conditions de l’engagement sont discutées : le tarif, le lieu, le moment, la durée, les idées de mise en scène, les accessoires. L’abstinence sexuelle est explicite. Ni crainte ni contrainte, il s’agit seulement de faire des photos de femmes nues, le plus souvent repérées et contactées sur le net, où elles s’exposent librement. La trame des réseaux retient dans ses fils leur luminescence algorithmique.
Sous les étoiles électriques, en quête d’apesanteur et d’un temps suspendu, elles déploient des ailes immobiles. Au risque de se croire éternelles, elles se jouent insolemment, de leur apparente légèreté. Virtuosité éphémère et sans calcul, qui inspire et inquiète.
Les usages détournés du désir sont ouverts à la fantaisie de JF et de son modèle. L’entente se fait sur une occupation érotique de l’espace et la possibilité d’en faire des images à leur goût. Le clair-obscur appelle indulgence et abandon.
Derrière les rideaux tirés, laissés à eux-mêmes, ils créent les conditions d’une nuit artificielle. Sans témoins ni spectateurs, ils cherchent dans des compositions maniéristes, la possibilité d’une beauté indécente et oisive.
L’isolement poétique transgresse la loi de l’utilité et du sexe donné banalement en spectacle. L’érotisme accepte la fragilité et le temps perdu.
Les photos montrent quelque chose, mais c’est tout autre chose qui a eu lieu. La fièvre et l’excitation peuvent avoir disparu. Restent les traces de l’intimité, que le ménage effacera. Une collection de souvenirs à l’intensité dissimulée.
Les formats des tirages sont très petits et épinglés sur les murs. Juxtaposition de spécimens uniques, glanés à travers le monde, au fil de dix ans d’exploration nocturne. Il faut s’approcher pour voir et soustraire chaque photo à la comparaison. S’isoler pour contempler la scène et repérer les détails d’un moment perdu. S’éloigner pour se souvenir. Laisser aller la mélancolie.